April baissa un peu les yeux, d'un air sombre.

- Ce type me harcelait. Kyle et moi on s'est rencontré, il y a quelque semaines, parce que Dane m'avait piqué mes clés et ne me les rendais que si j'enlevais tout ce que j'avais sur dos - enfin quasiment tout. Mes clés étaient fragiles : il y avait la puce électronique de la voiture et sans ça, j'étais coincée au parc alors, je l'ai fait. Mais ce connard s'est barré avec mes fringues et a jeté mes clés dans la fontaine. J'ai du y plonger pour les reprendre.
C'est là que Kyle m'a trouvée et m'a proposé son sweat, ses baskets et m'a accompagnée au poste puis ramenée chez vos parents.

Elle posa sa main sur le bras de Kyle et laissa sa tête tomber sur son épaule, encore vraiment reconnaissante pour son aide ce jour-là.

- Hannah m'a gentiment invitée à rester dîner et puis nous sommes partis rejoindre François au cirque.

Mais Cooper et sa bande de brutes nous avaient suivi et ils nous sont tombés dessus. Enfin surtout Kyle...Moi, il voulait juste m'emmener chez lui. Il a pas apprécié le fait que ton frère vienne m'aider...

Elle passa une main dans les cheveux de son ami pour les ébourrifer gentiment avec un sourire navré.

Puis elle se tourna vers Henrick.

- Ils l'ont tabassé. Il ne t'a sans doute rien dit là dessus mais pour avoir vu la scène de mes propres yeux, ils ne l'ont pas raté les salauds.

Elle revit ces types frapper son presque frère - oui depuis quelques temps, elle le considérait comme ça. Le frère qu'elle aurait toujours êvé d'avoir - son meilleur ami en tout cas.

- Dommage pour eux, Kyle est plus coriace qu'il n'y paraît. Il s'est vite remis.

Elle secoua la tête.

- Franchement, on a pas perdu grand chose. Cooper était un véritable attardé...

Et encore, elle taisait toujours certaines choses...De lointains souvenirs qui l'avaient passablement marqué...une certaine soirée très arrosée...trop arrosée où les choses avaient totalement échapper à son contrôle. Elle revoyait encore son sourire mesquin le lendemain en cours...

- Enfin, Cooper n'attaquera plus personne maintenant ! Mais, parlons plutôt de vous ! Vous dites que vous bossez dans les magazines de musique ?

Elle jeta un coup d'oeil complice vers Kyle.

- Je suis certaine que Ray O'Brien avait des partenaires du genre. Faites-moi signe quand vous chercherez un nouveau contrat...!

Kyle ne paraissait pas vraiment ravi qu'April expose dans les détails la manière dont ils avaient rencontré Dane Cooper et le traitement de faveur qu'il avait reçu par la suite. Il garda le silence et une mine peu réjouie durant cet exposé de courte durée. Alors qu'April, elle, semblait d'une humeur franchement bonne...
Enfin bon... Il y a des jours comme ça...

Henrick hocha de la tête en observant les deux jeunes gens, un sourire amusé aux lèvres lorsqu'il dévisagea son frère.

- J'me disais aussi...

Oui, après tout cela ne faisait qu'à peine une semaine et demie qu'ils se connaissaient, donc une semaine et demie qu'il avait fait rencontré ce charmant jeune Cooper. Il gardait encore une petite cicatrice sur l'arcade sourcilière droite.
Henrick ricanna.

- Tu aurais dû me suivre, il aurait fait moins le fier si t'avais été un peu plus bagarreur !

Il ne doutait pas des compétences de son frère. Il savait se défendre, il en était certain.

- Enfin, Cooper n'attaquera plus personne maintenant ! Mais, parlons plutôt de vous ! Vous dites que vous bossez dans les magazines de musique ?

Le concerné hocha de la tête.

- Je suis certaine que Ray O'Brien avait des partenaires du genre. Faites-moi signe quand vous chercherez un nouveau contrat...!

Un sourire amusé souleva le coin de la lèvre d'Henrick. Il n'avait pas gardé un emploi plus de trois mois, et encore c'était parce qu'il s'agissait d'un pari.

Kyle dévisageait April avec des yeux ronds. Mais outre l'étonnement, ce n'était pas de la reconnaissance que l'on pouvait y lire. Non, c'était de l'incompréhension, presque du dégout.
Comment pouvait-elle dire une chose pareille ?

- April !! Ton père est mort il y a moins d'une semaine ! T'as pas le droit de parler ainsi, c'est dégueulasse !

On sentait la colère dans sa voix. Il ne pouvait pas comprendre qu'elle le traite de cette manière, comme un objet. Même s'ils n'avaient pas été très proches, c'était un humain.
Il ne voulait pas se fâcher avec April mais ne scilla pas. Son regard était incendiaire mais aussi rempli d'incompréhension.
Sous l'effet de l'indignation il s'était même levé.

- Je sais que t'étais pas franchement proche avec ton père mais c'est pas une raison pour le traiter ainsi.

Henrick se contenta d'observer son frère sans répondre. Il n'avait pas à intervenir dans ce débat ni même à prendre parti.

April détestait. Mais alors dé-tes-tait qu'on la reprenne sur son manque de respect envers ses parents.

Elle démarra aussitôt au quart de tour :

- LA FERME !

Les mots de Kyle l'avaient frappé de plein fouet.

Elle bondit du fauteuil et alla marcher dans le salon un peu plus loin, près de la fenêtre.

Se prenant le front entre les doigts, elle s'en voulu terriblement pour cette dernière parole.

- Je suis désolée...Désolée Kyle...Je ne voulais pas...

Elle soupira, les yeux embués.

April : détruit vos plus chers proches 24h/24, 7j/7 !

- Tu...tu ne sais pas de quoi tu parles...Mon père...- sa voix se brisa-

* Oh non, pas pleurer April, NE PLEURE PAS ENCORE ! *

Mon père est mort quand j'avais 12 ans. Quand j'ai trouvé un article où j'ai découvert que le paternel modèle se sacrifiant pour sa famille n'était qu'un mensonge. Où il a renvoyé tous les employés les plus fauchés de l'entreprise en sachant très bien qu'il les condamnait à la ruine. Où j'ai compris que la famille de parents absent mais toujours à deux partout était une belle blague et que mon père s'envoyait son assistante, Sophie, celle qui m'avait élevée à sa place depuis que je savais marcher, alors que ma mère accumulait les aventures de son côté.

Le jour où j'ai compris que la petite rouquine qui attendait sa mère en bas de l'escalier pour qu'elle l'emmène déjeuner avec elle comme les autres mamans de ses amies, la gamine qui demandait au père Noël de lui permettre de voir ses parents au moins à sa fête d'école, ils n'en avaient tout simplement rien à foutre.

Je comprends que tu aies du mal à comprendre...Vous deux, vous avez la famille dont on rêve tous...Et jamais il ne viendrait à l'esprit d'un enfant aimé comme tu l'es de dire tout ce mal de son père...Je ne t'en veux pas mais...tu dois comprendre, un peu !

Quand à 14 ans, ta mère te sermonnait parce que tu trainais devant la télé à l'heure d'aller au lit, moi j'étais entrain de descendre des litres de vodka pure pour finir dans la chambre de Dane Cooper ! Quand ta mère t'apprenait que fumer n'est pas bien pour ta santé, moi je sniffais des rails, ou je me prennais des fixes !
Si Ray O'Brien a un jour été mon père, Kyle, crois-moi ce n'était que sur les papiers officiels. Il n'en avait rien à secouer.

April secoua la tête. Elle détestait avoir à raconter ça comme une pauvre gamine. Qu'on la plaigne ou la prenne en pitié ne l'intéressait pas. Elle voulait juste...que Kyle...comprenne le poids de ses mots.

Kyle baissa la tête mais ne revint pas sur ses propos. Il comprenait qu'elle en veuille à son père, ça se n'était pas son problème. Mais au moins qu'elle attende un peu avant de dire tout ça, ça faisait même pas une semaine.
Et puis ce genre de propos pouvait la mener tout droit au banc des suspects potentiels. Ray O'Brien était tout de même mort dans de drôles de circonstances ! Mourir brûlé sans qu'il n'y ai d'incendie dans la maison, c'était tout de même alarmant. Genre brûlé avec un bidon d'essence ? Il n'était même pas sûr que ça fasse l'affaire.

Henrick se leva et alla vers April. Il la prit doucement par l'épaule et la ramena sur le canapé. Il se tourna ensuite vers son frère.

- Tu vas faire du café, Kyle ?

Il n'y avait bien qu'Henrick pour proposer du café juste après une bière... Mais Kyle voyait plus là une manière de le congédier et il accepta sans rechinier.
Le blond disparu derrière la porte de la cuisine.

Henrick se laissa retomber contre le dossier du vieux fauteuil et soupira d'aise.

- J'espère que tu ne lui en voudras pas trop... Il a toujours eu un peu de mal à comprendre les problèmes de la société.
Il est phénoménal, j'en connais du monde mais j'en ai jamais vu un comme lui !

Le Deltignant bu la dernière gorgée de sa bouteille et prit le temps de la savourer avant de l'avaler.

- Très charismatique... Et énormement de potentiel un peu inexploité, quel gâchis ! Il pourrait faire une star internationnale dans la musique, le cinéma... Ou même politicien ! Mais lui, qu'est ce qu'il veut ? C'est à peine s'il le sait vraiment. Acrobate qu'il dit.

Nouveau soupir.

- Tu me diras, moi je suis pire. Mais bon...

Son regard bleu se vira sur la porte de la cuisine.

- En tout cas, prends en soin !

Henrick avait partagé pendant plusieurs années sa chambre avec Kyle, il connaissait bien le phénomène et ses humeurs... Mieux que quiconque peut-être.

- T'as une idée de ce que tu veux faire, toi ? demanda-t-il pensivemment tout en regardant à travers le verre de la bouteille de bière.

April vit que Kyle avait compris mais qu'il n'en démordait pas.

Elle sourit à Henrick et regarda Kyle s'éloigner avec un pincement au coeur.

Mais Henrick ne faisait pas ça pour l'écarter, plus pour parler avec elle seulement.

Elle écouta.

- Oui...Je sais qu'il a ce caractère qui n'appartient qu'à lui un peu révolté et naïf, enfin non pas naïf, surtout bonne âme et bon enfant. Toujours prêt à vous accorder une chance supplémentaire quand bien même vous l'auriez blessé et à vous tendre les deux mains pour vous aidez quand vous êtes perdus, toujours capable d'anticiper vos moindres besoins...

Elle sourit un peu, attendrie.

Sacré Kyle. A la fois gonflé d'espoir et prêt à prendre les armes contre toute la misère du monde, un brin râleur, toujours espiègle et facétieux...

- Il est génial. souffla-t-elle pour tout résumer.

Elle se tourna vers Henrick qui lui demandait ce qu'elle comptait devenir après...

- Je n'en ai pas la moindre idée...Surement travailler dans la traduction, ou la communication...Je verrais bien...

En fait, dans sa tête, elle n'était pas bien sûre de rester ici assez longtemps pour en arriver là. Enfin, sait-on jamais...

Elle se leva.

- J'ai tout l'avenir pour décider. fit-elle ouvrant les bras et en haussant les épaules.

Après un sourire chaleureux à Henrick, elle se dirigea vers la cuisine où elle retrouva Kyle.

L'énergumène s'affairait à remplir le filtre de la cafetière de poudre sombre à l'odeur entêtante.

- Attends, je vais t'aider...fit-elle en tenant un coin du filtre pour le remplir avec une cuillère pleine.

- Tu sais...fit-elle en tassant un peu le café en poudre du dos de sa cuillère.

Je ne disais pas ça pour te vexer. J'ai toujours eu peu d'égards pour mes parents...J'ai peut être tort, je n'en sais rien...

En tout cas, la petite fille gâtée et irrespectueuse que je suis, te demande pardon pour ces paroles si elles t'ont blessé ou dérangé. Je n'aurais jamais dit ça si j'avais su que tu le prendrais comme ça...

Pour rien au monde je ne voudrais t'embêter ou te faire mal, Kyle.

Elle lui sourit et posa sa main sur son épaule.

- Tu comptes bien trop pour moi !

Elle attrapa ses mains dans les siennes pour les balancer un peu à la manière d'une petit fille dans la cour de récré en se balançant sur la pointe des pieds.

- Je ne sais pas comment tu le ressens de ton côté mais je sais que je n'ai pas eu tort de te faire confiance du jour où je t'ai croisé....Tu es un peu le frère dont j'ai toujours rêvé...

Elle rit un peu avant de laisser tomber son front contre l'épaule de Kyle.

-Et puis, j'avoue que je ne peux plus me passer de mon concert privé acoustique du soir...!

Henrick hocha pensivement de la tête en jouant avec sa bouteille et laissa la rousse filer vers la cuisine rejoindre leur sujet de conversation.
Kyle s'affairait à remplir un filtre de café. C'était du fort ! La tête ailleur, il opérait mécaniquement, il n'aimait pas trop le café. Il préférait le chocolat.

- Attends, je vais t'aider...

Le blond tourna la tête pour accueillir April d'un sourire un peu timide, en guise d'excuse. Il avait été un peu dur mais ne regrettait pas le sens des mots qu'il avait dit. Mais c'était du passé, il ne fallait pas y penser plus longtemps.
La rousse s'excusa à son tour de ses paroles. Non, elle ne l'avait pas blessé. C'était pas ça qui allait le briser en morceaux ! Et il savait pourquoi elle avait réagit de cette manière, c'était lui qui l'y avait poussé.
La demoiselle prit ses mains et les balança tranquillement. Le blond la laissa faire, pensif.

- Je ne sais pas comment tu le ressens de ton côté mais je sais que je n'ai pas eu tort de te faire confiance du jour où je t'ai croisé....Tu es un peu le frère dont j'ai toujours rêvé...

Il lui adressa un sourire doux. Oui, bien sûr que cette rencontre lui avait fait plaisir ! Sinon il n'aurait jamais invité April à revenir, bien entendu. Il était honnète et quand une personne ne lui plaisait pas il ne faisait rien pour faire croire le contraire.
Elle laissa retomber sa tête contre son épaule. Kyle passa sa main dans les cheveux roux.

- Ca casse la monotonie de manière plutôt joyeuse, non ?

Il souria.

- Tu sais... je crois que ça va pas te plaire mais... J'aimerais bien rencontrer ta mère.

Le blond observa la réaction d'April, curieux.

- T'es peut-être têtue, mais je le suis tout autant que toi quand je veux. Je souhaiterais vraiment la rencontrer un jour, comme tu as rencontrer la mienne. Je sais bien que tu vas dire que c'est pas du tout la même chose mais je m'en fous, j'y tiens vraiment.

La rousse détourna le regard, fixant intensement le magnifique carrelage de la cuisine d'Henrick, couleur brique et où trainait ça et là quelques miettes de pain et grains de riz...

April bafouilla une réponse, sentant bien que quoiqu'elle dise, elle n'avait au final pas vraiment le choix. Le blond souria doucement, l'encourageant à accepter sa requète.

- Juste...Ne t'attend pas à...quelqu'un de bien.

Kyle secoua tranquillement sa tête, puis prit le menton de l'étudiante entre ses doigts, l'insitant à le regarder.

- Je ne veux pas partir avec des aprioris. Je n'en ai pas eu pour toi, je ne tiens pas à en avoir pour cette femme.

Il la relâcha et lui souria, une fois de plus, afin de lui montrer qu'il ne lui en demanderait pas d'avantage.

Une odeur de café s'était répandue dans la pièce. Le jeune Deltignant s'empara de 3 tasses.

- Henrick va se sentir abandonner je crois si on y retourne pas.

Clin d'oeil complice. Il franchit la porte avec un plateau sur lequel reposaient les tasses remplies de café. Henrick les accueillit (ou accueillit la boisson) comme s'il s'agissait d'un remède miracle à tous les mots.

- April, bienvenue chez nous ! fit-il en levant sa tasse pour porter un toast.


[Fini pour moi... à moins que t'ai qqchose à rajouter ?]